Muriel et Éric Chevalier, ainsi que leurs trois filles, ont quitté Lyon pour s’installer dans le sud de l’Ardèche en 2000. Objectif changer de cadre de vie, mais aussi de vie. La maison forte qu’ils découvrirent à Uzer, village du sud de l’Ardèche, était à l’abandon depuis dix ans. Ils tombèrent sous le charme de cette bâtisse en pierre, si romantique avec son parc envahi par la végétation d’où émergeaient de vieux platanes, des tilleuls et des palmiers. Le château d’origine médiévale, tout d’abord édifice défensif, puis demeure seigneuriale et finalement villégiature bourgeoise, venait de trouver ses bonnes fées. Ce qui nous a séduits, se souvient Éric, c’est l’équilibre entre la maison et le jardin, cette ambiance hors du temps, mais également l’espace et les volumes 600 m2 habitables sur trois niveaux et un parc de 6000 m2. En outre, nous nous sentions capables d’en assumer le chantier. En dépit de son aspect de délabrement, la maison semblait saine et robuste et n’avait pas été endommagée par une rénovation de mauvais goût, puisque les derniers travaux effectués dataient de 1920 ! Par ailleurs, il n’y avait pas de grosses modifications de structure à effectuer. » Mais vivre dans un château sans grosse fortune nécessitait de rentabiliser l’affaire Nous avons décidé d’ouvrir des chambres d’hôtes. La taille de la propriété autorisait cette solution. » L’Ardèche y gagna une adresse de charme. Rénover sans dénaturer Artisan dans le bâtiment, Éric avait déjà rénové plusieurs maisons dans le cadre professionnel et familial. Muriel, décoratrice de métier, apporta sa patte… L’affaire fut rondement menée. Un charpentier local refit toutefois la toiture et un serrurier quelques huisseries métalliques. Éric s’occupa du reste maçonnerie, plâtrerie, électricité, plomberie, carrelage, ébénisterie… Mené avec l’aide d’amis et de membres de la famille, le chantier principal dura dix-huit mois à plein-temps. Suivirent quelques mois de camping, vie de dortoir et toilette dans le bassin d’eau fraîche, avant que la maison n’ouvre ses portes aux premiers hôtes, au printemps 2002. Côté jardin, la façade est demeurée inchangée. Seule une terrasse a été ajoutée en prolongement d’un perron. Le mur, écroulé, a été relevé et prolongé avec des pierres récupérées dans le jardin. Le sol de cette terrasse – également toiture d’une cave située audessous – est constitué d’une ossature en poutrelles et de hourdis en béton creux venant en remplissage. La dalle de compression d’environ 5 cm d’épaisseur a été, après réalisation de l’étanchéité, recouverte de gravier. Les pierres du mur ont été scellées au mortier bâtard ciment et chaux. De manière générale, les travaux de maçonnerie ont été réalisés avec ce liant et un mélange de deux sables régionaux, blanc et jaune, afin de retrouver les coloris d’origine de la maison. Un lierre s’est chargé de la touche finale. Les travaux extérieurs un chantier à part entière De ce côté de la maison, le grand parc, domestiqué et paysagé, n’a pas perdu son romantisme. L’installation d’un goutte-à-goutte pour l’arrosage a permis d’assurer un bon démarrage de la végétation nouvellement plantée tout en économisant l’eau. La présence de deux sources sur le terrain a été mise à profit pour l’irrigation, mais aussi la création d’une piscine. Nous l’avons installée loin de la maison pour la tranquillité des hôtes et près de la rivière pour lui conférer une dimension nature. » C’est également une réalisation du propriétaire fouille à la pelle mécanique, parpaings à bancher ferraillés pour la structure, avec un enduit de finition au sable tamisé et ciment pour réaliser l’étanchéité. De manière à éviter les fissures qui se produisent généralement à ce niveau, un joint d’étanchéité souple en résine renforce les angles. La plage est constituée de grandes dalles de ciment teinté imitation pierre, martelées, usées et fissurées artificiellement au marteau et à la truelle. Chaque dalle –d’environ 40 x 60 cm sur 4 cm d’épaisseur– a été coulée sur place dans un cadre réalisé en tasseaux. Tandis que la margelle de la piscine est en pierres récupérées sur le quai de la gare désaffectée d’Uzer. Une collection de pots à lait en aluminium et d’arrosoirs en zinc chinés apporte une touche de poésie. Bâtisse authentique, forte comme le roc Aujourd’hui, difficile de trouver une fausse note. Rien de clinquant ni d’artificiel. Un chantier rondement mené, programmé pour rentabiliser au mieux le temps et en minimiser le coût. La seule mauvaise surprise concerna le hall d’entrée qui mène à l’imposante montée d’escalier desservant les chambres. J’avais décidé de déposer les carreaux de ciment peints datant du XIXe siècle et de les remplacer. Une simplification pour passer les écoulements dans des tranchées. Mais nous sommes tombés directement sur la roche… Il a fallu l’entailler à la disqueu se pour faire des saignées dans le rocher. Un travail monumental! » Le hall d’entrée a été couvert de grandes dalles anciennes en pierre calcaire de la région. La seule pièce de la maison qui ait gardé sa décoration d’origine est le jardin d’hivers du XIXe siècle, romantique et rococo. La grande fresque qui rend hommage à la montagne ardéchoise recouvre deux pans de mur; ses couleurs étant trop vives, elle a été légèrement poncée et cirée pour lui donner un aspect patiné. Les carreaux ciment au sol ont été nettoyés au savon noir. Quant à la verrière métallique, également très sale, une dépose des vitres anciennes a été nécessaire pour un nettoyage à l’acide chlorhydrique. Elles ont ensuite été jointoyées sur la structure métallique au silicone transparent pour assurer une bonne étanchéité. La pose est plus facile qu’avec du mastic et surtout, les joints n’ont pas bougé d’un millimètre, ce qui est important compte tenu de la surface vitrée. » La réhabilitation cohérence et astuces Les travaux à l’intérieur du château avaient débuté par une grande opération de sablage, la façon la plus efficace de décaper les sols dallés, les voûtes et les murs encrassés. Dans les chambres, les tomettes ont été nettoyées à la soude caustique. Les planchers, poncés et vitrifiés. Dans ces pièces, les plafonds ont tous été doublés de plaques de plâtre montées sur ossature métallique afin d’intégrer sans problème l’isolation laine de roche et les spots d’éclairage. Cette isolation des plafonds est la seule que nous ayons effectuée dans la maison, précise Éric. Les murs du château sont si larges qu’ils sont par eux-mêmes isolants. C’est un gain de temps et une sacrée économie que l’on peut prendre en compte d’emblée, lorsque l’on fait l’acquisition d’une maison ancienne en pierre aux murs épais… » Comme notre priorité était de ne pas perdre le cachet de cette bâtisse, les seuls cloisonnements cloisons sèches ajoutés le furent pour la création des salles de bains dans les chambres. Nous avons conservé au maximum l’original, recyclé les matériaux déposés et intégré des matériaux de récupération pour ne pas dénaturer l’ensemble. Fort heureusement, il y a de bons brocanteurs en Ardèche et surtout un revendeur de matériaux de bâtiment d’occasion très bien achalandé près de Lyon Girier Antiquités, Dommartin. » Avec huit salles de bains dans la maison – dont six équipent les chambres d’hôte –, il a fallu trouver des astuces pour dissimuler les conduites sanitaires. Les planchers ou les tomettes des chambres ont donc été déposés et reposés pour dissimuler certaines canalisations. Les enduits des chambres et des couloirs sont des recettes maison Un mélange de mortier adhésif MAP pour plaques de plâtre et de sable très fin. Au début, je le tamisais. Puis j’ai fait un essai concluant avec du sable de sablage. Quel gain de temps ! » Seule la montée d’escalier a bénéficié d’un traitement particulier un enduit à la chaux naturelle, chaux aérienne avec fixateur Batical qui évite le poudrage au séchage. Appliquée avec un gros pinceau brosse, elle confère au mur un aspect très chaleureux et permet d’avoir un rendu différent de celui des chambres. Pour le confort, le choix s’est porté sur un chauffage central à fuel en réutilisant les radiateurs en fonte installés en 1920 que l’on peut moduler chambre par chambre. Seul un poêle à bois a été conservé dans le jardin d’hiver, en accord avec le style XIXe siècle de cette charmante pièce. Le campement gitan Le chantier du château achevé, les propriétaires ont créé deux nouveaux espaces de vie. Au fond du jardin, sous le vieux chêne et le grand tilleul, s’est installé le campement Philomène. Nous avons tout d’abord acheté une roulotte neuve, réalisée à la manière gitane par un artisan spécialisé Laurent Reynaud de l’atelier des Roulottiers, avec chambre et salle d’eau. Puis j’ai réhabilité une vieille roulotte. » À l’extérieur, une terrasse en bois relie l’ensemble. Des balustrades et une cloison en bois ajoutent au charme et à l’intimité de cet espace romantique, petit coin ombragé pour ceux que la vie de château ne fait pas rêver… Corine Lacrampe. Photos Noak/Le Bar Floréal. Maison d’hôtes Château d’Uzer.